« La méditation qui a du cœur », un stage pour mettre encore plus de conscience et de tendresse dans notre quotidien.

Ce stage permet de découvrir des techniques et des rituels simples de méditations basées sur la Pleine Conscience et la Tendresse, afin de mettre plus de présence, de joie et de bonté dans nos vies. Ce stage est ouvert à toutes et tous, sans prérequis de niveaux.

Déroulement et modalités

Le stage comporte un atelier d’une heure trente chaque semaine sur quatre semaines consécutives, puis une journée complète d’intégration un samedi de 9 à 16 heures. Les dates des stages sont précisées sur ce site dès qu’une cession est ouverte.

Pour participer à ce stage, une seule chose compte : notre motivation à mettre plus de présence aimante dans nos vies, pour nous, nos émotions, nos pensées, notre corps, et surtout pour les autres, nos familles, amis, voisins, collègues.

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Réponses aux questions les plus fréquentes

C’est de la méditation de Pleine Conscience ?

Oui, on y pratique des méditations de Pleine Conscience, en insistant sur les deux piliers de la pratique : l’attention et la compassion. On y parle donc d’attention, de non jugement, et on parle aussi de cœur, de tendresse, de pardon, de joie et de bonté.

Est-ce que c’est « spirituel » ?

« Spiritus » en latin veut dire « souffle ». Durant ce stage, on parle souvent de notre respiration, de notre souffle, que l’on choisit parfois d’observer avec tendresse et concentration. Alors oui, étymologiquement, c’est spirituel. Mais c’est aussi une pratique laïque, qui peut tout à fait être pratiquée par une croyante, un agnostique, une bouddhiste, un agnostique, une philosophe, etc.

Pourquoi es-tu « prof de méditation » ?

Je suis Enseignant Chercheur en Sciences Humaines et Sociales, et j’ai découvert la « méditation de pleine conscience » via un ouvrage scientifique « Healing Emotions » en 2003, que j’ai lu à la naissance de mon premier enfant. Je voulais répondre à cette question simple : comment ne pas trop souffrir de mes émotions, de ma colère par exemple, et comment faire en sorte de ne pas refiler trop de casseroles à mes filles…

Après avoir beaucoup lu et médité de façon épisodique, ma pratique est devenue quotidienne depuis 2013. Je fait régulièrement des retraites de méditations et de silence, trois jours, une semaine parfois, dans un cadre bouddhiste comme dans un cadre scientifique et exploratoire (comme celui du Mind & Life Institute). J’ai commencé à enseigner la méditation dans des écoles (collège, Lycée, Enseignement Supérieur) à partir de 2017.

En tant qu’enseignant chercheur, j’ai beaucoup lu et exploré la littérature scientifique consacrée au fonctionnement de notre esprit, de notre système nerveux, aux effets du stress et des croyances sur notre santé, et aussi aux effets bénéfiques des pratiques contemplatives sur notre bien être. Dans mes enseignements, j’essaie toujours de faire le pont entre les connaissances issues des sciences, et celles issues des grands courants de sagesse.

Dans mon propre parcours de méditant, j’ai découvert en moi des trésors, mais aussi des zones désolées. C’est pour cela que je suis particulièrement attiré par des approches de la méditation qui ont du cœur (pratique du pardon, de la joie, de la bonté, de l’humour et de la compassion), parce qu’elles nous aident, non pas à nous changer, mais à nous aimer telles que nous sommes, pour nous accepter et nous guérir. On apprend ainsi à porter un regard tendre sur notre humanité, avec nos hauts et nos bas, nos pensée, nos habitudes, bonnes et mauvaises, nos talents et nos limites.

Depuis 2020, j’ai la chance d’avoir été admis parmi les étudiants de Tara Brach et Jack Kornfield, dans le cadre du programme MMTCP de certification de Professeurs de Méditation, organisé par Greater Good Science Center de l’ University of California à Berkeley. Bien entendu, je suis cet enseignement à distance depuis Hyères les Palmiers en France !

Il n’y a pas de monde d’après : Vifs (5/7)

Peu à peu, la vie a pris des formes distinctes, différenciées, élégantes, jaillies de la soupe première des uni cellulaires. Des bactéries, des méduses, bientôt des plantes et des algues. Plus tard, au cœur de la biodiversité, est apparue notre lignée. L’un des premiers hominidés connus est Toumaï, un petit tchadien né il y 7 Millions d’années. Nous descendons de lui et de ses frères et sœurs. Vous, moi, Lady Gaga et Kim Jon Un sommes les enfants de Toumaï de la 350 000 ème génération. Si une génération durait une seconde, la saga des hominidés durerait un peu plus de deux heures. Les premières traces de villes, en Mésopotamie, apparaîtraient sporadiquement dans les 2 dernières minutes. Et la comptable, le maçon, le caporal chef et la syndicaliste, la militante écologiste comme le trader, la guerre froide, la guerre économique et l’internet crépiteraient furtivement dans les 3 ou 4 dernières secondes du générique. Et comme rares sont ceux qui restent jusqu’à la fin du générique, à la sortie de la salle, vous pourriez affirmer ceci : les humains sont des animaux sociaux, marcheurs, cueilleurs le plus souvent, qui fabriquent des outils, dansent, parlent, s’aiment, rient et pleurent, et jouent avec leurs petits au pied des arbres, autour de feux, et contemplent parfois la beauté naturelle des coquillages, debout et pleins de vigueur, et quand l’un tombe, on l’enterre, et un autre s’élève. Tout notre génome s’est forgé dans ce creuset : nos émotions, nos réflexes, nos attirances et nos répulsions. Et puis, brutalement, voilà que nous écrivons des rapports, codons en java, regardons des séries, et avons mal au dos.

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

Extrait de Correspondances, Charles Baudelaire

Dans les deux dernières minutes du film sur la grande saga des hominidés, il s’est passé quelque chose qui a échappé aux plus distraits : l’invention de la nature. Désormais, il y aurait l’homme, ses villes et ses outils ET le reste, la nature. Nature qu’on pourrait désormais mesurer, analyser, domestiquer, exploiter, compresser, distiller ordonner. Il y aurait alors deux ordres distincts : celui de l’homme, organisé, et celui de la nature, sauvage (la nature est sauvage, ou alors c’est un terroir). Dans les bureaux, les trains, les avions, devant les ordinateurs, les machines à outil, les bandits manchots et les distributeurs de billets, il y a des hommes coupés de la nature, et donc, bien entendu, de leurs propre nature, c’est à dire de leurs corps. Au travail, le seul moment où l’on s’inquiète du corps, c’est quand il tombe malade, qu’il se coince, qu’il frotte, où quand il est brisé par les émotions. La nature n’a rien à faire au bureau, surtout notre propre nature. Elle est tolérée sous forme de Yucca sur le pallier, à côté de la machine à café. Les corps doivent être réparés rapidement pour retourner au boulot, et on est priés d’apprendre à manager nos émotions.

Il se passe donc cette chose étrange, que c’est l’invention même du concept de « nature » qui provoque la fracture entre elle et nous, nous et notre corps et nous empêche de bien en prendre soin. Chez les peuples premiers, qui portent encore le savoir de notre lignée, le mot nature n’existe pas. Une femme, un enfant, un adolescent, sont des expressions du monde, au même titre qu’un bambou, qu’une tourterelle, ou qu’un virus. Il n’y a donc pas besoin d’un mot pour trancher entre telle ou telle forme prise par ce qui est, entre l’humain et le non humain par exemple, ni même entre l’inerte et le vivant.

Si vous regardez à nouveau le film sur la grande saga de l’hominidé, vous ne verrez pas des hommes dans la nature, vous verrez le monde, dans sa complexité, son entremêlement, le fruit jeté par une fillette, qui germe, attrape la lumière et l’eau, fait un arbre dont un homme plus tard fait le bois d’une hutte où nichent des hirondelles, toutes formes ruisselantes en un seul fleuve. La seule chose peut-être qui vous sautera aux yeux, c’est qu’il y a dans le paysage des éléments qui se transforment beaucoup moins vite que d’autres. Les canyons, les alpes, les cristaux et les plaines, en sept millions d’années, se métamorphosent beaucoup moins vite que les grenouilles, les canaris, les hominidés et les fougères, qui eux sont beaucoup plus vifs. Dans le monde, dans ce qui est, il n’y a pas une différence entre la nature et l’homme, et entre l’organique et le minéral. Il y a ce qui est vif et ce qui l’est moins.

Et ce qui est vif nous porte à rire, à danser, à manger, à crier, et à contempler la beauté des coquillages. Morts ou vifs ? Vifs !

  • sur les origines de l’homme : Yves Coppens, Pascal Picq, Aux origines de l’humanité, tome 1 : De l’apparition de la vie à l’homme moderne, Fayard, 2001
  • sur la fracture entre l’homme et la nature : Hamilton, Bonneuil & Gemenne, The Anthropocene and the Global Environmental Crisis, Routledge, 2015
  • sur interdépendance : Tich Nhat Hanh, The Sun, My Heart, Paralax Press, 1988

Cet article fait partie d’une série de 7 textes écrits pour explorer la notion de « monde d’après », thème devenu à la mode depuis l’épidémie de Covid19. Ces textes sont construits sur une même ontologie : il n’y a pas de monde d’après. D’abord parce qu’il n’y a pas Un monde mais Des mondes (de l’éducation, des finances, de la politique, de l’enfance, de la santé, d’Asie, d’Europe, des médias sociaux, etc.). Et ensuite, parce que ces mondes n’ont pas d’états figés avant / après. Les mondes sont des flux de métamorphoses, ils se transforment sans cesse, naissent, se croisent, meurent et se renouvellent. La réalité, est une pelote vivante de mondes tissés, comme un vaste amas de rhizomes enchevêtrés les uns dans les autres. Dans cette pelote, des graines sont en dormance depuis longtemps. D’autres ont proliféré. Je souhaite porter un regard de tendresse sur ces graines oubliées – celles qui végètent – que nous les couvions, qu’elle s’enracinent et fleurissent à nouveau, plus nombreuses, dans nos mondes emmêlés.

Il n’y a pas de monde d’après : Présence (4/7)

Patience est le nom, et patient l’adjectif. D’un homme qui a de la patience (nom) on dira qu’il est patient (adjectif). Cela vaut pour nombre d’autre groupes nominaux. La clémence est ce que montre une personne clémente par exemple. De même, une professeure a de la pertinence quand ses propos peuvent être qualifiés de pertinents, etc. Jusqu’ici, c’est assez facile à comprendre. Mais alors, de quoi la présence est-elle le nom ? En toute logique, avoir de la présence, ce serait être présent. Si je rentre dans une salle, qu’il y a dix convives, tout le monde semble être là, ici et maintenant – hic et nunc – tout le monde est présent, sauf les absents (qui on bien tort). Et pourtant, tout le monde n’a pas la même présence. C’est qu’il doit y avoir une façon d’être présent un peu particulière pour qu’on puisse parler de présence.

« Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »

Patrick Le Lay (alors directeur de TF1) – L’Express, 9 juillet 2004.

Or, de présent, mon Bon Monsieur, il n’y en a plus guère de disponible. Après la ruée vers l’or puis celle vers l’or noir (le pétrole), les marchands ont déniché un gisement stupéfiant d’énergie : l’or gris (les neurones). Celui de notre fameux temps de cerveaux disponible. Un or finalement assez facile à extraire, grâce aux découvertes des neurosciences. Créez une insatisfaction chez un homo sapiens (une mauvaise nouvelle, une courbe qui monte, une qui descend, une insulte, une tête qui saute) et aussitôt après, lui tendre un petit plaisir à lécher (un like, un j’aime, un mignon chaton, la photo d’un coca, un morceau de viande, du sucre, du sel, du gras, du sexe). Notre Sapiens innocent fabrique alors lui-même (et c’est ça qui est génial) sa propre drogue, gratuite, la dopamine, et il ressent en lui le plaisir immédiat. Hélas, trois fois hélas… Sous l’effet ambigu de ce neurotransmetteur, il devient rapidement dépendant, et veux reproduire encore et encore les conditions de sa sécrétion : il lui faut un abonnement Netflix, une nouvelle console de Jeux, de la 4G, un grand écran et Amazon Prime. Qui ne sont pas des drogues. Juste des dealers de dopamine, qu’il convoque de quatre à sept heures par jour (moyenne française). Le tour est joué. Les orpailleurs viennent de prendre possession de notre présent, revendu à prix d’or à des millions de marchands. Nous voilà, au sens originel du terme, parfaitement divertis, c’est à dire déviés de nous mêmes.

Et ce n’est pas fini ! Quand il nous reste un moment, voilà que nous fourmillons de projets. Nous préparons le week-end, une livraison, une fête, le creusement d’une piscine, le plantage de choux et la kermesse de Pâques. Nous devenons pour nous-mêmes des kapos implacables, avec rappels à l’ordre automatisés, cours obligatoires, bilans, agendas et l’obligation de fournir des preuves de notre sur-activité, documents photos à l’appui, à la supervision de nos réseaux sociaux… Qui nous donneront des likes en retour. Qui alimenteront eux aussi notre pompe à dopamine. Nous nous pro-jetons, c’est à dire, étymologiquement, nous nous jetons vers l’avant, vers le futur plus ou moins proche, hors du présent, à notre propre initiative, comme si le présent était décidément un endroit inhospitalier.

Or, le présent, c’est la seule adresse pour l’insouciance (qui se fout des projets) et le silence (qui ne pas besoin de diversion). Hier n’est plus, demain n’est pas encore, il reste l’épaisseur d’une feuille de cigarette entre les deux, hic et nunc. C’est mince, mais c’est tout ce qu’il y a. Aimer, apprécier, contempler, rire, consoler, étreindre, guérir, ne se goûte que dans ce minuscule interstice, l’instant présent, et se goûte bien mal si nous en sommes trop souvent divertis et projetés.

Avoir de la présence (nom) c’est être présent (adjectif). Être bien campé là, le savoir, être disponible, sans attente particulière, être maître de son attention, insoumis aux vendeurs de dopamine facile. La présence c’est le retour au bercail.


  • sur la présence : Tich Nhat Hanh, The Miracle of Mindfulness, 1975 (et oui déjà!)
  • sur le fonctionnement des émotions et du cerveau : Rick Hanson, Le cerveau de Bouddha, Pocket 2013
  • sur l’économie de l’attention : Dir. Yves Citton, l’Economie de l’Attention, 2014

Cet article fait partie d’une série de 7 textes écrits pour explorer la notion de « monde d’après », thème devenu à la mode depuis l’épidémie de Covid19. Ces textes sont construits sur une même ontologie : il n’y a pas de monde d’après. D’abord parce qu’il n’y a pas Un monde mais Des mondes (de l’éducation, des finances, de la politique, de l’enfance, de la santé, d’Asie, d’Europe, des médias sociaux, etc.). Et ensuite, parce que ces mondes n’ont pas d’états figés avant / après. Les mondes sont des flux de métamorphoses, ils se transforment sans cesse, naissent, se croisent, meurent et se renouvellent. La réalité, est une pelote vivante de mondes tissés, comme un vaste amas de rhizomes enchevêtrés les uns dans les autres. Dans cette pelote, des graines sont en dormance depuis longtemps. D’autres ont proliféré. Je souhaite porter un regard de tendresse sur ces graines oubliées – celles qui végètent – que nous les couvions, qu’elle s’enracinent et fleurissent à nouveau, plus nombreuses, dans nos mondes emmêlés.

Il n’y a pas de monde d’après : Ménager (3/7)

Ça s’est passé à la fin du XIXè siècle en Europe quand le marchand de Manchester a supplanté le chevalier et le curé. Victoire définitive du Tiers État, par KO, sur la noblesse et le clergé. Désormais, on pourrait dépasser la morale, et le sang. A la place, on se mit à compter, à mesurer, à organiser et à commercer. Après quelques massacres retentissants et parfaitement bien gérés au XXè siècle, on remplaça peu à peu les champs de bataille par une guerre économique perpétuelle. États Nations contre États Nations, Entreprises contre concurrents, secteurs contre secteurs. Homme contre Terre. Dans les tranchées de Verdun, d’un côté comme de l’autre, on haïssait la guerre, et on faisait déjà des plans pour la paix. La guerre était un accident, et le retour à la fraternité, la suite nécessaire et logique à la folie. Dans les tranchées de la mondialisation, l’idée d’une simple trêve, pour un petit virus, nous affole. Et pourtant, une trêve qui dure, n’est-ce pas la paix ?

Chacune a son petit mérite

Mais, mon colon, celle que j’préfère

C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit

Georges Brassens, Extrait de « la Guerre de 14-18 »

On a pris une grande valise, dans laquelle on a rangé tout ce qui serait utile pour la guerre économique. Sur cette valise, une grosse étiquette : management. Dans la valise, on trouve des outils très pratiques pour être de meilleurs guerriers : plus optimisés, productifs, résilients, plus agiles, plus séduisants, plus addictifs, plus persuasifs. On a des écoles de guerre et des sciences de guerre pour affiner ces outils et les enseigner au plus grand nombre. Et c’est un succès ! Aujourd’hui, on peut manager un hôpital, une école, une prison, un projet, une équipe, on peut aussi manager sa famille, ses relations, son réseau et sa vie. Et on peut déjà manager son corps et ses rêves. Rien ne doit échapper aux contrôle et aux mathématiques.

Et tout cela est basé sur un formidable malentendu originel.

Quand Guillaume le Normand – il y a presque mille ans – conquiert et unifie les royaumes anglais, la langue française devient l’idiome du pouvoir, des lois, du droit. Peu à peu, la langue du peuple, une sorte de proto anglais, va s’enrichir de centaines de vocables français. Cette infusion va durer jusqu’à la renaissance. Selon les linguistes, l’anglais actuel a emprunté entre un tiers et soixante pour cent de ses mots au français. Si les emprunts au français sont innombrables dans les domaines de la nourriture et de l’art de vivre, ils existent aussi dans le vocabulaire juridique ou commercial du marchand de Manchester (voir vidéo plus bas). Budget est issu de bougette, affair est la contaction de « à faire » par exemple. Et puis il y a Management…

Management est issu du mot français ménager / ménagement. Ménager a parfois le sens d’organiser, comme manager. C’est le cas dans l’expression « ménager un rendez-vous » ou « se ménager un abri » . Mais en français, ménager a bien d’autres connotations. Si je ménage un adversaire, c’est que je le traite avec indulgence. Si je ménage mon équipe, c’est que je suis soucieux de son état de fatigue. Quand je ménage mon corps, je fais preuve de douceur envers moi même. Qui veut voyager loin ménage sa monture. Ça n’est pas une nuance, ce petit « é » à la place du « a », c’est l’intention à la place de la mesure. Et ça change tout. Voyez (lisez) par vous même : Le ménagement des ressource humaines. Le ménagement de projet. Une Grande Ecole de Ménagement. Un entretien avec mon ménageur. Le ménagement du changement. Le Top Ménagement. Le ménagement international. Le ménagement de crise…

On peut garder la grande valise du management : dedans, il y a d’excellents outils pour se coordonner, et s’organiser collectivement, des outils bien pratiques, pour réaliser nos rêves, construire des ponts, des respirateurs, des films, des biscuits. Changeons juste la grosse étiquette sur la valise. Et remettons ainsi un peu d’intention (de soin, de douceur, de délicatesse) dans notre action. Pour donner sa chance à la trêve – et tendre à la paix – il nous faut à présent des ménageuses et des ménageurs de paix.


  • sur la victoire des marchands de Manchester : Georges Bernanos, La France contre les Robots, Plon 1970
  • sur l’influence du français sur l’anglais : Henriette Walter, Honni soit qui mal y pense, éd. Robert Laffont 2001 
  • sur la paix économique : Dominique Steiler, Osons la paix économique, DeBoeck 2017

Cet article fait partie d’une série de 7 textes écrits pour explorer la notion de « monde d’après », thème devenu à la mode depuis l’épidémie de Covid19. Ces textes sont construits sur une même ontologie : il n’y a pas de monde d’après. D’abord parce qu’il n’y a pas Un monde mais Des mondes (de l’éducation, des finances, de la politique, de l’enfance, de la santé, d’Asie, d’Europe, des médias sociaux, etc.). Et ensuite, parce que ces mondes n’ont pas d’états figés avant / après. Les mondes sont des flux de métamorphoses, ils se transforment sans cesse, naissent, se croisent, meurent et se renouvellent. La réalité, est une pelote vivante de mondes tissés, comme un vaste amas de rhizomes enchevêtrés les uns dans les autres. Dans cette pelote, des graines sont en dormance depuis longtemps. D’autres ont proliféré. Je souhaite porter un regard de tendresse sur ces graines oubliées – celles qui végètent – que nous les couvions, qu’elle s’enracinent et fleurissent à nouveau, plus nombreuses, dans nos mondes emmêlés.


Il n’y a pas de monde d’après : Vulnérable (2/7)

Ayant oublié que nous sommes des vertébrés, nous croyons que si nous ne pouvons devenir doryphores, nous seront poulpes (au passage, c’est mal connaître l’intelligence des poulpes, mais là n’est pas la question). La vérité est que nous craignons les formes molles, tendres, sans prise, que nous les croyons fragiles et exposées. Alors, par crainte d’attendrissement, nous préférons nous fabriquer des carapaces. Et plus dures sont les coups, réels ou symboliques, que nous croyons recevoir, et plus nous épaississons notre cuirasse. Or, ni le poulpe ni le doryphore n’ont conscience de leur vulnérabilité, ce qui est l’apanage d’une certain type de vertébrés, amniotes, mammifères, de la famille des primates que l’on trouve plus souvent dans les supermarchés que sous les feuilles de patates.

« Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent, etc. »

Extrait du Poème « If » de Rudyard Kipling

Si vous avez un fils, ne lui demandez pas d’être un homme en lui lisant ce fameux, ce superbe, cet horrible poème de Kipling, qui dresse l’inventaire des impossibles épreuves à surmonter pour être un homme, mon fils (et merci à mon père de ne m’avoir jamais lu ce texte). A moins bien entendu que vous aimiez votre fils en doryphore. Malheureusement Kipling n’est pas le seul à vanter les mérites du durcissement : on admire IronMan, DarthVador, le Football Américain, les SUV carénés, on pratique le renforcement musculaire : partout on fait l’éloge des carapaces. L’erreur est si parfaite, que notre sapiens a fini par confier la direction des opérations à des nuées de doryphores. C’est très mal connaître le fragilité des doryphores, dont se régalent au printemps les mésanges descendues des Hautes Alpes pour nettoyer les plants de pomme de terre du jardin. La mésange, comme nous, est un vertébré.

En tant que vertébrés, nos parties les plus dures sont à l’intérieur de notre corps, et nous nous appuyons sur elles pour survivre. Ce qui signifie que nous sommes facilement blessables : une branche nous griffe, un caillou nous donne un bleu, une poussière nous fait larmoyer. Le mot vulnérable vient d’une locution latine signifiant « qui peut être blessé ». Vulnérable est notre nature. Et si nous savons regarder profondément dans l’évidence de nos blessures, nous verrons également l’évidence de nos guérisons. Nos plaies s’assèchent, notre sang coagule et notre peau se régénère. Même nos os peuvent se ressouder. Seul un être vulnérable guérit, puisque blessure et guérison sont deux moments d’un même processus, comme deux chevaux tirant au même attelage. Bardés de cuirasses, nous devenons les cavaliers lourds d’Azincourt, pas assez vifs pour éviter les flèches. Nos carapaces retardent les guérisons et nous alourdissent. Il serait plus utile d’enseigner à nos filles et fils l’art d’être vulnérables, qui est aussi l’art de la guérison, qui est aussi celui de la métamorphose.

Vulnérable, c’est pour le corps. Pour l’esprit on utilise un autre mot : le doute. Tandis que le doryphore entêté peut mourir en avançant dans le fond d’un trou, bardé de certitudes, enfermé dans sa carapace de croyances, celui qui doute, au contraire, lève la tête, explore un autre chemin, et peut même appeler du secours. J’attends la patronne, le commandant, le contre maître, l’experte, l’homme politique, qui osera dire : mes amis, je ne sais pas trop où nous en sommes, mon esprit est confus, je souffre un peu, j’ai parfois peur, j’ai de la colère, c’est compliqué. Je fais au mieux, mais là, j’aimerais bien un peu d’aide ? Je l’attends celle-là, celui-là, car elle me donnera la chance de vivre ce que les homo sapiens, mammifères grégaires aiment vivre par dessus tout : prendre soin de toi.

Peut-être n’avons nous plus besoin de chefs carapacés, mais juste de femme et d’hommes inspirants : qui se blessent, qui guérissent, et qui nous montrent comment faire cette métamorphose.


  • sur l’élan à prendre soin de l’autre : Rosenberg, Marshall, 1999, Les mots sont des Fenêtres
  • sur la guérison : Daniel Goleman & The Dalaï Lama, 2003, Healing Emotions, Shambala Editions.
  • encore sur la guérison : Thich Nhat Hanh, Transformation et Guérison, 1999, Albin Michel

Cet article fait partie d’une série de 7 textes écrits pour explorer la notion de « monde d’après », thème devenu à la mode depuis l’épidémie de Covid19. Ces textes sont construits sur une même ontologie : il n’y a pas de monde d’après. D’abord parce qu’il n’y a pas Un monde mais Des mondes (de l’éducation, des finances, de la politique, de l’enfance, de la santé, d’Asie, d’Europe, des médias sociaux, etc.). Et ensuite, parce que ces mondes n’ont pas d’états figés avant / après. Les mondes sont des flux de métamorphoses, ils se transforment sans cesse, naissent, se croisent, meurent et se renouvellent. La réalité, est une pelote vivante de mondes tissés, comme un vaste amas de rhizomes enchevêtrés les uns dans les autres. Dans cette pelote, des graines sont en dormance depuis longtemps. D’autres ont proliféré. Je souhaite porter un regard de tendresse sur ces graines oubliées – celles qui végètent – que nous les couvions, qu’elle s’enracinent et fleurissent à nouveau, plus nombreuses, dans nos mondes emmêlés.